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Le TrГґne des Dragons
Morgan Rice


Le Temps des Sorciers #2
“Tous les ingrédients d'un bestseller : énigmes, rebondissements, mystère, preux chevaliers, amours naissants et cœurs brisés, déception et trahison. Des heures de lecture à tout âge. Vivement recommandé pour tous les inconditionnels de fantasy.”

–-Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (L'Anneau du Sorcier)



“Les prémices d'une série prometteuse.”

–-San Francisco Book Review (La Quête des Héros)



Morgan Rice, auteur du bestseller La QuГЄte des HГ©ros (plus de 1.300 commentaires cinq Г©toiles) revient avec une toute nouvelle saga de Fantasy.



Le Roi Godwin mobilise son armГ©e pour franchir le pont et envahir le Sud. Son but ? Sauver Lenore, sa fille de 17 ans, retenue captive aux confins des terres du sud, sous l'Г©troite surveillance du Roi Ravin le maudit. Sa seule chance d'en rГ©chapper ? Ne compter que sur elle-mГЄme.



Son frère Rodry décide de partir en mission – escorté par les chevaliers du Roi – afin de délivrer sa sœur en terrain hostile – Vars, l'un de ses frères, s'illustre par sa couardise et sa traîtrise.



Devin marche dans les traces de MaГ®tre Gray, avide de maГ®triser son pouvoir et dГ©couvrir sa rГ©elle identitГ©.



Greave voyage en des contrГ©es Г©loignГ©es, en quГЄte de la Maison des LettrГ©s, et tenter ainsi de sauver sa sЕ“ur Nerra.



Nerra, affaiblie par la maladie de l'homme de pierre, se meurt sur une Г®le isolГ©e, jadis placГ©e sous la protection des dragons. Elle est prГЄte Г  tout pour survivre.



Une bataille d'anthologie dГ©cidera du sort des deux royaumes.



LE TEMPS DES SORCIERS, une histoire mГЄlant amour, passion, rivalitГ© fraternelle ; trГ©sors cachГ©s et malfrats ; moines et mercenaires ; honneur et gloire, trahison, hasard et destinГ©e. Un rГ©cit qui vous tiendra en haleines des heures durant, dГ©couvrez un nouveau monde, tombez sous le charme de protagonistes inoubliables. Tout public.



Tome 3 (LE FILS DES DRAGONS) disponible en prГ©commande !



“La fantasy tambour battant …. Les prémices d'une série prometteuse pour jeunes adultes.”

–-Midwest Book Review (La Quête des Héros)



“Un concentré d'action …. Rice et son style éblouissant, une énigme qui tient en haleine.”

–-Publishers Weekly (La Quête des Héros)





Morgan Rice

LE TRГ”NE DES DRAGONS




LE TRГ”NE DES DRAGONS




(LE TEMPS DES SORCIERS – TOME DEUX)




MORGAN RICE



Morgan Rice

Morgan Rice est bestseller et meilleure autrice d'après USA Today grâce à la série de fantasy L'ANNEAU DU SORCIER, dix-sept tomes ; bestseller avec MEMOIRES D'UN VAMPIRE, douze tomes ; bestseller avec LA TRILOGIE DES RESCAPÉS, thriller post-apocalyptique comprenant trois tomes ; la fantasy ROIS ET SORCIERS, six tomes ; la fantasy DE COURONNES ET DE GLOIRE, huit tomes ; la fantasy UN TRÔNE POUR DES SŒURS, huit tomes ; une nouvelle série de science-fiction, LES CHRONIQUES DE L’INVASION, en quatre tomes ; la fantasy OLIVER BLUE À L’ÉCOLE DES PROPHÈTES, quatre tomes ; la fantasy LE FIL DE L'ÉPÉE, quatre tomes ; et une nouvelle série de fantasy LE TEMPS DES SORCIERS. Les ouvrages de Morgan sont disponibles en livres audio et brochés et traduits en plus de 25 langues.



Morgan adore vous lire, rendez-vous sur www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/), recevez un livre gratuit et des cadeaux ; tГ©lГ©chargez l'application gratuite et recevez des infos en avant-premiГЁre, connectez-vous sur Facebook et Twitter, restons en contact !



Morgan Rice – Critiques

“Vous pensiez en avoir terminé avec la série L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. Découvrez LE REVEIL DES DRAGONS, la nouvelle saga prometteuse de Morgan Rice, laissez-vous entraîner au pays des trolls et des dragons, où sens des valeurs, honneur, courage, magie et destinée règnent en maître. Les personnages de Morgan nous envoûtent au fil des pages … vivement recommandé pour tous les inconditionnels de fantasy.”



В В В В --Books and Movie Reviews
В В В В Roberto Mattos

“Un mélange de fantasy et d'action qui séduira les lecteurs de Morgan Rice et Christopher Paolini, auteur de L'HERITAGE … Les fans de fictions pour jeunes adultes vont littéralement dévorer le dernier opus de Rice.”



В В В В --The Wanderer, A Literary Journal (Le RГ©veil des Dragons)

“Un ouvrage de fantasy de haut vol mêlant intrigue et mystère. La Quête des Héros aborde les thèmes du courage et de la réussite, l'âge adulte, la maturité, l'excellence … Réservé aux fans de fantasy, les protagonistes mêlent astuces et scènes d'action, abordant le passage du jeune Thor à l'âge adulte, une vie placée sous le signe de la chance …. prémices d'une série prometteuse pour jeunes adultes.”



В В В В --Midwest Book Review (D. Donovan, eBook Reviewer)

“L'ANNEAU DU SORCIER comporte tous les ingrédients d'une recette à succès : intrigues, complots, mystères, preux chevaliers, amours naissantes et cœurs brisés, déception et trahison. Des heures de lecture, à tout âge. Chaudement recommandé pour les amoureux de fantasy.”



В В В В --Books and Movie Reviews, Roberto Mattos

“Avec ce premier tome "action" de la série de fantasy L'Anneau du Sorcier (14 tomes), Rice nous présente le jeune Thorgrin "Thor" McLeod, qui, à 14 ans, rêve d'intégrer la prestigieuse Légion d'Argent, les chevaliers d'élite du roi …. Une prose et une intrigue riches en rebondissements, Rice en majesté.”



В В В В --Publishers Weekly



Livres par Morgan Rice

LE TEMPS DES SORCIERS

LE ROYAUME DES DRAGONS (Tome 1)

LE TRГ”NE DES DRAGONS (Tome 2)

LE FILS DES DRAGONS (Tome 3)



OLIVER BLUE A L’ECOLE DES PROPHÈTES

LA FABRIQUE MAGIQUE (Tome 1)

L’ORBE DE KANDRA (Tome 2)

LES OBSIDIENNES (Tome 3)

LE SCEPTRE DE FEU (Tome 4)



LES CHRONIQUES DE L’INVASION

ATTAQUE EXTRATERRESTRE (Tome 1)

ARRIVÉE (Tome 2)

ASCENSION (Tome 3)

RETOUR (Tome 4)



LE FIL DE L’ÉPÉE

LES PLUS MÉRITANTS (Tome 1)

LES PLUS VAILLANTS (Tome 2)

LES DESTINÉS (Tome 3)

LES PLUS TÉMÉRAIRES (Tome 4)



UN TRГ”NE POUR DES SЕ’URS

UN TRГ”NE POUR DES SЕ’URS (Tome 1)

UNE COUR DE VOLEURS (Tome 2)

UNE CHANSON POUR DES ORPHELINES (Tome 3)

UN CHANT FUNГ€BRE POUR DES PRINCES (Tome 4)

UN JOYAU POUR LA COUR (Tome 5)

UN BAISER POUR DES REINES (Tome 6)

UNE COURONNE POUR DES ASSASSINS (Tome 7)

UNE ÉTREINTE POUR DES HÉRITIÈRES (Tome 8)



DE COURONNES ET DE GLOIRE

ESCLAVE, GUERRIГ€RE, REINE (Tome 1)

CANAILLE, PRISONNIГ€RE, PRINCESSE (Tome 2)

CHEVALIER, HÉRITIER, PRINCE (Tome 3)

REBELLE, PION, ROI (Tome 4)

SOLDAT, FRГ€RE, SORCIER (Tome 5)

HÉROÏNE, TRAÎTRESSE, FILLE (Tome 6)

SOUVERAIN, RIVALE, EXILÉE (Tome 7)

VAINQUEUR, VAINCU, FILS (Tome 8)



ROIS ET SORCIERS

LE RÉVEIL DES DRAGONS (Tome 1)

LE RÉVEIL DU VAILLANT (Tome 2)

LE POIDS DE L’HONNEUR (Tome 3)

UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome 4)

UN ROYAUME D’OMBRES (Tome 5)

LA NUIT DES BRAVES (Tome 6)



L’ANNEAU DU SORCIER

LA QUÊTE DES HÉROS (Tome 1)

LA MARCHE DES ROIS (Tome 2)

LE DESTIN DES DRAGONS (Tome 3)

UN CRI D’HONNEUR (Tome 4)

UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome 5)

UN PRIX DE COURAGE (Tome 6)

UN RITE D’ÉPÉES (Tome 7)

UNE CONCESSION D’ARMES (Tome 8)

UN CIEL ENSORCELE (Tome 9)

UNE MER DE BOUCLIERS (Tome 10)

UN RГ€GNE DE FER (Tome 11)

UNE TERRE DE FEU (Tome 12)

UNE LOI DE REINES (Tome 13)

LE SERMENT DES FRГ€RES (Tome 14)

UN RГЉVE DE MORTELS (Tome 15)

UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome 16)

LE DON DU COMBAT (Tome 17)



TRILOGIE DES RESCAPÉS

ARENE UN: LA CHASSE AUX ESCLAVES (Tome 1)

DEUXIEME ARENE (Tome 2)

ARГ€NE TROIS (Tome 3)



LES VAMPIRES DÉCHUS

AVANT L’AUBE (Tome 1)



MEMOIRES D'UN VAMPIRE

TRANSFORMATION (Tome 1)

ADORATION (Tome 2)

TRAHISON (Tome 3)

PREDESTINATION (Tome 4)

DÉSIR (Tome 5)

FIANÇAILLES (Tome 6)

SERMENT (Tome 7)

TROUVÉE (Tome 8)

RENÉE (Tome 9)

ARDEMMENT DÉSIRÉE (Tome 10)

SOUMISE AU DESTIN (Tome 11)

OBSESSION (Tome 12)


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Copyright В© 2020 by Morgan Rice. Tous droits rГ©servГ©s. Sauf autorisation selon Copyright Act de 1976 des U.S.A., cette publication ne peut ГЄtre reproduite, distribuГ©e ou transmise par quelque moyen que ce soit, stockГ©e sur une base de donnГ©es ou stockage de donnГ©es sans permission prГ©alable de l'auteur. Cet ebook est destinГ© Г  un usage strictement personnel. Cet ebook ne peut ГЄtre vendu ou cГ©dГ© Г  des tiers. Vous souhaitez partager ce livre avec un tiers, nous vous remercions d'en acheter un exemplaire. Vous lisez ce livre sans l'avoir achetГ©, ce livre n'a pas Г©tГ© achetГ© pour votre propre utilisation, retournez-le et acheter votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur labeur de cet auteur. Il s'agit d'une Е“uvre de fiction. Les noms, personnages, sociГ©tГ©s, organisations, lieux, Г©vГЁnements ou incidents sont issus de l'imagination de l'auteur et/ou utilisГ©s en tant que fiction. Toute ressemblance avec des personnes actuelles, vivantes ou dГ©cГ©dГ©es, serait purement fortuite. Photo de couverture Copyright zeferli sous licence istockphoto.com.




CHAPITRE UN


Lenore se réveilla et crut, l'espace d'un instant, qu'il s'agissait d'un cauchemar. Allongée sur des draps moelleux, elle contemplait la modeste chambre de l'auberge, les horreurs auxquelles elle avait assisté n'étaient que le fruit de ses rêves troublés. Ce n'était pas vrai, c'était …

Vrai. Lenore en prenait peu Г  peu conscience, la douleur et les ecchymoses Г©taient la preuve tangible. Elle secoua la tГЄte, essaya d'oublier oГ№ elle se trouvait, mais ses pensГ©es l'assaillaient, telles les vagues impitoyables de l'ocГ©an.

Les mercenaires du Roi Ravin la retenaient captive. Il l'avait frappée lorsqu'elle s'était débattue. Eoris et Syrelle s'étaient montrés les plus virulents …

Lenore se força à regarder autour d'elle, à penser à autre chose.

La chambre situГ©e au premier Г©tage de l'auberge Г©tait vide, il n'y avait qu'elle, Lenore savait qu'il s'agissait peut-ГЄtre de son unique chance de survie. Elle se leva, tremblante, feignant d'ignorer ses membres endoloris.

Elle retomba sur le lit l'espace d'une seconde, se rattrapa sans faillir cette fois. Si elle se laissait choir, elle ne se relГЁverait pas, elle n'aurait alors plus qu'Г  attendre qu'ils l'emmГЁnent sur les terres du roi Ravin.

Je dois me montrer forte.

Elle parvint Г  se lever, elle n'avait plus rien d'une princesse. Sa robe s'Г©tait dГ©chirГ©e durant sa violente capture, Lenore l'enfila en nouant les lambeaux de son mieux.

Elle avança vers la porte à pas de loup. Elle entendait Eoris et Syrelle discuter à l'extérieur, le cœur de Lenore cognait dans sa poitrine, elle redoutait qu'ils entrent.

“… on n'a pas pu prendre du bon temps avec la princesse ?” demanda Syrelle d'une voix suave et rageuse.

“Nous devons la ramener plus au sud, mon amour,” déclara Eoris. “Elle sera difficilement transportable si tu l'amoches.”

“Le Roi Ravin n'est pas marrant,” rétorqua Syrelle.

“Que crois-tu qu'il te fera lorsqu'il apprendra ce que tu viens de dire ?” répliqua Eoris. “Non, nous partons dans une heure. Nous nous dirigerons vers le pont le plus proche, que nous traverserons. N'oublie pas de laisser la vie sauve à quelques domestiques. Le Roi Ravin voudra leur tirer les vers du nez.”

Il voulait leur parler ? Lenore Г©tait partagГ©e entre la joie de savoir que certaines de ses domestiques Г©taient encore en vie, et l'horreur d'imaginer ce qu'elles avaient endurГ© par sa faute, la crainte de savoir combien d'entre elles avaient pГ©ri, et la perplexitГ©, pourquoi le Roi Ravin voulait attraper certaines d'entre elles vivantes, pour dire Г  tout le monde qu'il avait capturГ© la fille du Roi Godwin ?

Peu importe. Tout ce qui comptait Г©tait essayer de s'Г©chapper. Elle avait dГ©jГ  tentГ© mais n'avait pas rГ©ussi Г  aller plus loin que les Г©curies. Comment Г©tait-elle censГ©e s'Г©chapper, elle s'Г©tait dГ©jГ  fait attraper, ils lui avaient prouvГ© qu'ils la rattraperaient, quoi qu'elle fasse ?

Non, elle n'abandonnerait pas, elle n'avait pas le droit. Lorsqu'ils auraient franchi le fleuve …  comment espérer pouvoir s'échapper d'ici ? Elle devait agir sur le champ, pendant qu'ils étaient occupés ; qu'ils la croyaient captive et sans défense.

Sachant que la porte ne constituait pas une issue, Lenore sortit par la fenêtre difficile à ouvrir, elle avait la certitude qu'elle ne grincerait pas et ne céderait pas tandis qu'elle ouvrit les volets, en veillant à ce que personne ne l'entende. Lenore ouvrit et s'immobilisa, guettant la moindre réaction. Personne ne fit irruption dans sa chambre, personne ne cria ou lança l'alarme.

Lenore contemplait le sol en contrebas. Le petit toit de l'Г©tage infГ©rieur, et l'auberge en contrebas, avec sa cour donnant sur les Г©curies. Elle Г©tait jonchГ©e de corps entassГ©s comme de vulgaires dГ©chets, quantitГ© nГ©gligeable pour les mercenaires qui les avaient occis. Lenore apercevait quelques sbires, non plus accoutrГ©s en paysans, mais tout de cuir sombre et armures vГЄtus, prГЄts Г  combattre une armГ©e ennemie.

Une femme se tenait devant un groupe de domestiques de Lenore. Elle pointa son arme vers deux d'entre elles, qui se mirent Г  courir, assez loin pour que Lenore ne puisse distinguer de qui il s'agissait. Puis, elle leva une petite arbalГЁte.

“Non,” murmura Lenore horrifiée, avant que la première flèche ne soit tirée. Elle frappa la première servante dans le dos, qui chuta et roula dans la poussière. Elle se releva en hurlant, se retourna pour voir qui lui avait tiré dessus …

La seconde flГЁche l'atteignit en pleine poitrine.

Lenore avait envie de hurler, son cЕ“ur se brisait Г  la vue de cette innocente, presqu'une amie, tuГ©e sauvagement, sans raison. Mais elle ne cria pas, elle aurait Г©tГ© dГ©couverte ; elle se trouvait dans une impasse. Elle se concentra sur la fille qui courait, l'une d'elles s'en sortirait.

Lenore attendit que les mercenaires s'Г©parpillent dans plusieurs directions, occupГ©s qu'ils Г©taient Г  leurs prГ©paratifs, sans un regard pour elle. Le moment venu, Lenore prit son courage Г  deux mains et enjamba la fenГЄtre. Elle atterrit sur le toit en saillie de l'Г©tage infГ©rieur, dans l'espoir qu'il supporterait son poids.

Elle se glissa, accroupie, au bord du toit, vГ©rifia qu'il n'y avait personne en dessous et essaya de ne pas crier devant la hauteur. Elle devait y arriver ; il le fallait. Lenore s'agrippa au bord du toit, resta suspendue un instant, prit une profonde inspiration et se lГўcha.

Elle tomba lourdement, la chute lui avait coupé le souffle et tant mieux, Lenore ne cria ainsi pas, ne se fit pas remarquer. Elle se mit à genoux, attendit que le vertige cesse et se força à se lever. Elle y parvint et atteignit l'ombre de la bâtisse la plus proche.

Elle ne tenta pas sa chance vers l'écurie cette fois-ci. Les mercenaires étaient bien trop nombreux, elle n'avait aucun espoir de prendre un cheval sans se faire repérer. Lenore était persuadée que son seul espoir était quitter l'auberge à pied, elle se cacherait dans les bois et buissons à proximité de la route en espérant qu'un de ses frères arriverait avec les hommes censées la protéger initialement …

OГ№ Г©taient-ils ? Pourquoi n'Г©taient-ils pas venus la sauver ? Vars avait Г©tГ© envoyГ© pour la protГ©ger, Rodry avait dit qu'il se chargerait de la procession de mariage, ni l'un ni l'autre n'Г©taient prГ©sents lorsque Lenore avait eu besoin d'eux. Elle se retrouvait seule, elle se glissa hors du village en espГ©rant ne pas croiser de mercenaires.

Elle poursuivit son chemin ; la sortie du village n'Г©tait dГ©sormais plus trГЁs loin. Encore quelques pas, et le village serait derriГЁre elle. Les mercenaires la retrouveraient-ils une fois Г  dГ©couvert ?

Cette seule pensГ©e lui fit presser le pas. Lenore se faufila sous l'ombre de la maison la plus proche. Elle y Г©tait presque.

Une zone à découvert s'ouvrait devant elle, Lenore se figea, attendit, regarda à droite et à gauche. Elle ne voyait personne mais savait qu'elle ne serait pas à l'abri pour autant avec pareils individus. Mais elle ne ferait rien si elle restait plantée là …

Lenore courut comme une dératée, le moindre pas la faisait souffrir, elle avança prudemment à découvert. Elle entendit crier dans l'auberge derrière elle, Eoris ou Syrelle avait dû entrer dans la chambre et découvrir sa disparition. Les savoir à sa poursuite lui donna des ailes, elle courut vers les buissons en bordure de route afin de se cacher, être en sûreté.

“Elle est là !” ils l'avaient repérée. Elle continua d'avancer, ne sachant que faire, elle retomberait entre leurs griffes si elle s'arrêtait.

Elle ne pouvait pas courir plus vite mais se déplaçait parmi les arbres et les buissons bordant le chemin, elle haletait, slalomait dans l'espoir de semer ses poursuivants.

Lenore entendit des bruits de pas derrière elle, elle se refugia derrière un arbre, n'osant pas regarder derrière. Elle devait atteindre le prochain arbre, la végétation y était plus dense. Elle parviendrait peut-être à les semer, elle devait faire un choix. Droite ou gauche … gauche ou droite …

Lenore prit Г  gauche et comprit immГ©diatement qu'elle avait pris la mauvaise dГ©cision, des mains vigoureuses s'emparГЁrent d'elle, on la plaqua au sol, elle avait le souffle coupГ©. Elle essaya de lutter mais c'Г©tait peine perdu. L'homme attrapa ses mains qu'il noua et la releva.

Il s'agissait d'Ethir, l'homme qui l'avait retrouvée aux écuries ; le premier qui l'avait … Il la souleva comme un fétu de paille et la remit sur pieds.

“Vous allez regretter de vous être enfuie, Princesse,” dit-il d'un ton doucereux. “Nous ferons en sorte que vous le regrettiez.”

“Je vous en supplie,” implorait Lenore, peine perdue. Ethir la traîna vers les chevaux qui patientaient et le voyage vers le sud, des moments d'horreur l'attendaient par-delà les ponts menant aux confins du royaume.




CHAPITRE DEUX


Le Roi Godwin II du Royaume du Nord, installГ© sur son trГґne devant sa foule de courtisans, avait du mal Г  garder son calme. Il dГ©testait ГЄtre assis lГ , comme si de rien n'Г©tait, aprГЁs ce qui s'Г©tait produit, sa fille Nerra avait Г©tГ© contrainte Г  l'exil. Il voulait quitter son trГґne et partir Г  sa recherche mais c'Г©tait impossible.

Il devait rester assis et recevoir sa cour, dans ce grand salon qui portait encore les traces du festin. Le grand salon Г©tait immense, tout en pierre, des banniГЁres au mur indiquaient les ponts dГ©limitant le territoire du Nord. Des tapis avaient Г©tГ© installГ©s, chacun rГ©servГ© Г  un rang particulier de la noblesse, ou Г  des familles de nobles.

Il devait se tenir devant eux, seul, Aethe ne se montrerait jamais devant les courtisans qui avaient Е“uvrГ© au renvoi de Nerra. Godwin aurait prГ©fГ©rГ© ГЄtre n'importe oГ№, mais certainement pas ici : le royaume de Ravin, le troisiГЁme continent de Sarrass, peu importe.

Comment faire semblant alors que Nerra était bannie, que sa benjamine, Erin, avait déserté pour devenir chevalier ? Godwin se savait échevelé, sa barbe grise pas soignée, ses robes tâchées, il n'avait guère fermé l'œil depuis ces derniers jours. Le Duc Viris et ses sbires le regardaient avec un amusement flagrant. Si le fils de cet homme ne devait pas épouser sa fille …

Songer à Lenore l'apaisait. Elle était partie en procession, en compagnie de Vars. Elle serait bientôt de retour, tout se passerait bien. Entre temps, il devait s'occuper d'affaires sérieuses ; des rumeurs enflaient à la cour, un danger menaçait.

“Montre-toi, mon fils !” tempêta Godwin. “Rodry, sors de là et montre-toi !”

Son plus jeune fils fendit la foule, tous le regardaient, on aurait dit un chevalier, qu'il Г©tait d'ailleurs, tout le portrait de Godwin au mГЄme Гўge. Grand et musclГ© par des annГ©es de pratique de l'Г©pГ©e, les cheveux blonds coupГ©s courts afin de ne pas ГЄtre gГЄnГ©. Un guerrier pur et dur, tous le regardaient avancer avec affection. Si seulement il rГ©flГ©chissait, de temps Г  autre.

“Tout va bien Père ?” demanda-t-il en faisant la révérence.

“Non,” rétorqua Godwin. “Tu croyais que je ne découvrirais pas ce qui est arrivé à l'ambassadeur ?”

Il s'adressait Г  son plus jeune fils, fonciГЁrement honnГЄte. Il ne pourrait plus s'en cacher et faire comme si de rien n'Г©tait. Vars aurait certainement dissimulГ© sa peur, Greave aurait cherchГ© Г  nГ©gocier Г  grands renforts de palabres, mais Rodry se tenait lГ , solide comme un roc. Et censГ© en plus, vu sa rГ©ponse.

“Je ne pouvais décemment rester sans rien faire, il venait d'insulter toute notre famille, notre royaume,” expliqua Rodry.

“Tu as eu exactement le comportement qui s'imposait,” répliqua Godwin. “Tu as rasé ses cheveux, tué deux de ses gardes … Si tu n'étais pas mon fils héritier, tu serais pendu haut et court. Quant à tes amis …”

“Ils n'y sont pour rien,” répondit Rodry, impassible, assumant l'entière responsabilité de ses actes. S'il n'était pas si hors de lui devant leur stupidité à tous, Godwin serait presque fier de lui.

“Ils se feront pincer tôt ou tard. Crois-tu qu'un homme tel que le Roi Ravin passera l'éponge ? J'ai renvoyé son ambassadeur car il ne pouvait rien nous faire. Tu lui as offert une bonne raison de passer à l'offensive sur un plateau.”

“Nous serons tous présents pour l'arrêter le moment voulu,” affirma Rodry. Il ne regrettait rien. Il était certes un adulte, un chevalier, mais il n'avait jamais vraiment connu la guerre. Oh, il s'était battu contre des bandits et des créatures, comme tout Chevalier d'Argent qui se respecte, mais il n'avait jamais affronté une armée au champ de bataille comme Godwin dans sa jeunesse, vu le chaos, la mort …

“Il suffit,” répondit Godwin. “Tu as agi bêtement, Rodry. Tu dois apprendre à te contenir si tu veux être roi.”

“Je—” reprit Rodry, prêt à argumenter.

“Tais-toi,” asséna Godwin. “Tu discutes car tel est ton caractère. Je suis le roi, l'affaire est close.”

Godwin crut l'espace d'un instant que son fils se rebifferait, qu'il devrait le punir d'un juste chГўtiment en tant qu'hГ©ritier du trГґne. Rodry tint fort heureusement sa langue.

“Si tu persistes dans tes erreurs, je me verrais contraint de te retirer ton grade de chevalier,” annonça Godwin. Il ne pouvait imaginer pire pour Rodry, le message ferait certainement mouche. “Hors de ma vue, avant que je perde mon calme, tout comme toi.”

Rodry s'empourpra, il pensait que son fils resterait pour argumenter mais il préféra s'abstenir. Il pivota sur ses talons et quitta le hall. Ça lui servirait peut-être de leçon. Il se rassit sur son solide trône en bois sombre, attendit de voir qui oserait l'approcher, sa colère contre son fils couvant toujours.

Finnal, son futur gendre, prit la parole, il s'avança d'un pas léger et effectua une gracieuse révérence.

“Votre Majesté. Pardonnez-moi mais au vu des évènements ayant émaillé les préparatifs du mariage, ma famille aurait quelques … requêtes à formuler.”

Sa famille, c'est Г  dire le Duc Viris, se tenait dans le fond, tout sourire, aussi calme qu'un hГ©ron guettant sa proie sur la rive. Cet homme n'Г©tait jamais directement responsable de quoi que ce soit, mais il Г©tait toujours prГ©sent, hors d'atteinte, le parfait innocent.

“Quel genre de requêtes ?” demanda Godwin.

Finnal avança et lui tendit un rouleau de parchemin. L'approche était subtile, il n'aurait ainsi pas à lire les demandes inscrites sur le parchemin.

Car il s'agissait bien lГ  de demandes ; voilГ©es certes, mais des demandes tout de mГЄme. Alors qu'avant, les terres offertes en dot se bornaient Г  quelques villages ici et lГ , la donne avait dГ©sormais changГ©, tous Г©taient concernГ©s. Ce qui impliquait plus d'argent bien Г©videmment, mais les bГ©nГ©fices rГ©els Г©taient tout autres, englobaient un bateau de pГЄche par-ci, une taxe sur la farine par lГ . Trois fois rien, Godwin passerait probablement pour un misГ©reux s'il en prenait ombrage, mais mis bout Г  bout, le pГ©cule ainsi constituГ© devenait non nГ©gligeable.

“Ce n'est pas ce que nos familles avaient convenu,” précisa-t-il.

Finnal effectua une élégante révérence dont il avait le secret. “Mon père est persuadé qu'un accord est sans nul doute … négociable. De plus, des circonstances particulières ont vu le jour, mon roi.”

“Quelles circonstances ?” demanda Godwin.

“Une famille ayant un membre atteint de la maladie de l'homme de pierre complique quelque peu le mariage,” poursuivit Finnal. Il semblait vouloir s'excuser mais Godwin n'était pas dupe. Etait-ce la raison de la présence de son père, un autre noble avait divulgué la maladie de Nerra au grand jour ? Dans le seul but de négocier ?

Godwin se leva de son trГґne, fou de rage. Il n'Г©tait pas certain de savoir quoi dire ni quoi faire, il n'en eut pas le temps, les portes du salon s'ouvrirent en grand sur une domestique tenue par un garde.

Godwin ne prГЄtait en gГ©nГ©ral pas attention aux servantes mais Г©tait presque convaincu que cette derniГЁre faisait partie de l'escorte de Lenore, partie depuis quelques jours.

Godwin s'arrГЄta net, sa colГЁre cГ©da la place Г  une froideur glaciale.

“Votre Majesté,” commença le garde. “Votre Majesté, nous avons été attaqués !”

Godwin mit une seconde Г  recouvrer la parole, tant sa peur Г©tait grande.

“Attaqués ? Que s'est-il passé ?” demanda-t-il. Il regarda la jeune femme, qui ne tenait plus sur ses jambes.

“Nous … nous étions …” elle secouait la tête, comme si elle avait du mal à s'exprimer. “Dans une auberge … il y avait du monde. Des hommes du Roi Ravin …”

La crainte de Godwin se mua en horreur.

“Où est Lenore ? Où est-elle ?”

“Ils l'ont enlevée,” répondit la servante. “Ils ont tué les gardes, nous ont enlevées et …” Godwin comprit, alors qu'elle s'interrompait. “Ils en ont relâché certaines, ils voulaient qu'on vienne tout vous raconter.”

“Et Lenore ? Et ma fille ?”

“Ils la détiennent,” dit la jeune femme. “Ils veulent l'emmener vers le sud, franchir les ponts, la livrer au Roi Ravin.”

Plus rien n'avait d'importance ; la rГ©action disproportionnГ©e de son fils, les exigences de son futur gendre. Tout ce qui comptait Г©tait qu'une autre de ses filles Г©tait en danger, cette fois-ci il ne la laisserait pas tomber, pas comme pour Nerra.

“Qu'on fasse venir mes chevaliers !” aboya-t-il. “Portez un message aux Chevaliers d'Argent. Appelez mes gardes. Je veux voir tous mes hommes ici ! Que faites-vous planté là ? Exécution !”

Gardes et domestiques s'activèrent, certains couraient pour envoyer des messages, d'autres se dépêchaient de prendre les armes. Godwin sortit en trombe du grand salon, traversa le château sans prêter attention à ses suivants. Il courut dans l'escalier en colimaçon, ses pieds volaient littéralement sur les pierres émoussées. Il dépassa des corridors aux murs agrémentés de tapisseries, des couloirs aux dalles usées à force de passage. Il se dirigea vers l'armurerie, une immense porte en cuivre massif séparait le château de l'antre des armes forgées par les meilleurs artisans de la Maison des Armes. Les gardes s'écartèrent pour le laisser passer.

Son armure reposait sur ses deux pieds, sa cuirasse usГ©e par les ans, ses jambiГЁres arboraient un entrelacs d'arabesques. En temps normal, Godwin aurait attendu l'aide d'un page mais il l'enfila seul, ajusta les attaches, serra les lacets. Il devait aller trouver la reine dans ses appartements pour lui annoncer qu'une de ses filles Г©tait en danger. Godwin aurait pu affronter mille armГ©es mais n'Г©tait pas prГЄt Г  Г§a.

Ce qui l'attendait Г©tait bien pire. Lenore Г©tait en danger, elle avait probablement subi des horreurs inimaginables. MГЄme avec toutes ses armГ©es, Godwin ignorait s'ils arriveraient Г  temps pour la sauver, ni Г  quoi s'attendre de ses ennemis. Seule certitude, il ne pouvait pas se permettre de perdre une autre fille, pas maintenant.

“Je la ramènerai,” dit-il à voix haute. “Je ramènerai ma fille, quoiqu'il arrive.”




CHAPITRE TROIS


Rodry Г©tait furieux, il bouillait de colГЁre, tel le magma des volcans des territoires du Nord, le pire Г©tait Г  venir. Des domestiques passГЁrent prГ©cipitamment Г  ses cГґtГ©s, Rodry s'Г©carta prudemment sur leur passage ; il n'Г©tait pas comme son frГЁre Vars, pas du genre Г  faire payer Г  autrui sa mauvaise humeur.

Sa mauvaise humeur ? Le terme Г©tait mal choisi pour illustrer l'humiliation subie par son pГЁre, il aurait dГ» mettre son plan Г  exГ©cution bien avant.

Rodry attendit le groupe de ses amis qui approchaient. Aucun d'eux ne pouvait se targuer d'ГЄtre un chevalier digne de ce nom mais il pouvait compter sur leur soutien.

“Ton père a l'air furieux,” annonça Kay, l'un de ses amis, des plus nerveux.

“Tu es en colère parce que c'est toi qui as escorté l'ambassadeur juste à la frontière,” répondit Mautlice, fils d'un comte, toujours prêt à chasser, et doué de surcroît.

“Il ne vous fera aucun mal,” déclara Rodry. “Je lui ai dit que j'avais agi seul.”

“Inutile,” renchérit Seris, replet, tout de velours vêtu, toujours partant, Rodry pouvait compter sur lui pour le soutenir.

“Merci,” répondit Rodry. “Mes deux frères tournent toujours autour du pot lorsqu'ils ont quelque chose à dire. J'apprécie la franchise et l'honnêteté.”

“Tu me paraît tout de même bien remonté,” affirma Kay.

Doux euphГ©misme pour illustrer ce que Rodry ressentait Г  l'instant prГ©sent. "HumiliГ©" serait plus Г  propos. FrustrГ© de se sentir inutile. FrustrГ© contre son pГЁre pour avoir renvoyГ© Nerra, qui semblait fГўchГ© contre lui, bien qu'il n'ait fait que ce que l'honneur lui dictait avec cet ambassadeur, bien rГ©solu Г  faire des ronds de jambes avec Finnal et sa famille en dГ©pit des rumeurs qui couraient sur son compte.

Rodry se demandait parfois s'il comprendrait un jour quelque chose à la politique. Et pourquoi d'ailleurs ? Un homme devait bien se comporter, en homme d'honneur, il estimait que ses semblables devaient faire de même. Il se montrerait assez fort pour protéger ses amis et combattre le mal. Tout le reste n'était que … des enfantillages.

Il prit la direction de ses appartements, parcourut le dédale de couloirs qui s'entrelaçaient dans le château, les autres lui emboîtèrent le pas. Ils traversèrent une galerie ornée de vitraux qui laissaient passer une lumière chamarrée, jusqu'à une vaste salle de réception pourvue de meubles en chêne massif. Rodry poussa une table en travers de son passage et poursuivit son chemin.

Le chГўteau Г©tait en effervescence mais Rodry Г©tait trop fГўchГ© pour le remarquer. C'Г©tait probablement liГ© au mariage. Le chГўteau peinait Г  suivre le rythme depuis que son pГЁre avait avancГ© le dГ©part de la procession.

Rodry arriva dans ses appartements, plus spartiates et fonctionnels que ceux de ses frГЁres, des malles et des coffres s'alignaient le long d'un mur. Ses armures d'une propretГ© irrГ©prochable, minutieusement entretenues, comme le lui avaient appris les Chevaliers d'Argent, reposaient sur des socles.

Il songea Г  la confrГ©rie et Erin, le Commandant Harr avait envoyГ© un message Г  la cour les avisant de sa prГ©sence parmi eux. Rodry aurait dГ» se douter que sa petite sЕ“ur aurait filГ© droit chez les Chevaliers mais il n'y avait pas cru, les filles ne faisaient gГ©nГ©ralement pas ce genre de chose.

Il devrait peut-ГЄtre la rejoindre et la ramener. Il avait le droit de pГ©nГ©trer dans la forteresse, Г©tant lui-mГЄme un Chevalier d'Argent. En tant que demi-frГЁre d'Erin, il pourrait lui parler, voire, la ramener. En mГЄme temps, Rodry Г©tait content qu'au moins un des membres de la famille mГЁne sa vie librement.

“Allons nous entraîner à la Maison des Armes,” déclara-t-il.

“Encore ?” rétorqua Kay. “Je préfèrerais chasser.”

“Vous affirmez tous vouloir devenir chevalier,” poursuivit Rodry. “Vous devez savoir vous battre. Prenez des leçons avec le Maître d'armes Wendros, et après on verra.”

Ce qui impliquerait de nombreuses leçons, ils devaient garder espoir.

“Viens. Tu pourras ainsi faire bonne impression sur la servante de ma sœur qui te plait tant.”

“Tu crois ?” demanda Kay.

“Il a besoin de faire quelque chose pour l'impressionner,” lança Seris, tous éclatèrent de rire.

La conversation du groupe dГ©riva sur des plaisanteries grivoises et la saine camaraderie, les vrais chevaliers ne passaient pas leur temps Г  Г§a, songea Rodry, mais il se tut et ravala sa colГЁre.

Un domestique arriva en courant.

“Votre Altesse. Le Roi m'envoie. C'est au sujet de la Princesse Lenore.”

Rodry fit instantanément volte-face. “Quoi ? Que se passe-t-il ?”

Le ton du domestique n'augurait rien de bon, il s'agissait forcГ©ment d'une mauvaise nouvelle.

“Elle a été attaquée. Les hommes du Roi Ravin l'emmènent vers le sud et vont franchir un pont. Le Roi rassemble ses chevaliers. Il a fait parvenir un message aux Chevaliers d'Argent.”

“Il rassemble ses chevaliers ?” demanda Rodry en bondissant vers son armure, sur son socle. “Combien de temps cela prendra-t-il ?”

Trop longtemps, la rГ©ponse Г©tait Г©vidente. Son pГЁre Г©tait le roi, il agirait lentement, recueillerait d'abord l'assentiment de tous avant de rameuter les troupes. Des prГ©paratifs, de l'action, jamais. Comme avec l'ambassadeur.

“Mon père perd toujours du temps,” répondit Rodry. “Il va les laisser s'enfuir vers le sud et se plaindre que ma sœur est perdue corps et biens.” Il s'adressa au domestique. “Comment se fait-il que Lenore ait été attaquée ? Où étaient Vars et ses hommes ?”

“Je … nul ne le sait, Votre Altesse,” répondit le domestique.

En d'autres termes, Vars n'Г©tait pas lГ  oГ№ il aurait dГ» ГЄtre. Un sentiment de colГЁre et de culpabilitГ© s'empara de Rodry. Il aurait dГ» s'en mГЄler lorsque son pГЁre avait demandГ© Г  Vars d'accompagner Lenore, il aurait dГ» insister pour l'escorter personnellement. Il aurait dГ» veiller sur elle.

Il comptait bien y remГ©dier. Rodry regarda ses amis tour Г  tour. Ils ne faisaient pas partie de la confrГ©rie des Chevaliers d'Argent mais avaient participГ© Г  suffisamment de chasses et Г©taient entraГ®nГ©s au maniement des armes. Ils Г©taient bel et bien prГ©sents.

“Seris, va chercher les autres le plus possible, fais vite. Raconte-leur ce qui s'est passé, dis-leur que j'ai besoin d'eux. Mautlice, fais préparer les chevaux. Soudoie les palefreniers si nécessaire. Kay, tu m'accompagnes chercher les armes.”

“Nous nous joignons aux forces de ton père ?” demanda Kay.

Rodry ne put contenir sa colГЁre plus longtemps, il donna un violent coup de poing dans le mur qui les fit tous tressaillir.

“Mon père n'est pas suffisamment rapide !” hurla-t-il. “Un petit groupe ira plus vite. Non, j'en fais une affaire personnelle. Je vais aller chercher ma sœur, je la ramènerai saine et sauve. Kay, si cette fille que tu aimes tant est l'une de ses servantes, elle est certainement en danger. Tu veux bien me prêter main forte ?”

“Je …” Kay opina du chef.

“Vous tous,” cingla Rodry. “Vous prétendez vouloir devenir chevaliers. Vous dites vouloir faire vos preuves. Le moment est venu. Nous nous comportons en vrais chevaliers. Nous protégeons ceux qui en ont besoin.” Il les dévisageait d'un air implorant. “Je vous en supplie. Je ne vous le demande pas en tant que prince, mais en tant qu'ami. Aidez-moi à sauver ma sœur.”

Ils n'y Г©taient pas obligГ©s. Ils devaient thГ©oriquement grossir les rangs des combattants de son pГЁre, suivre le mouvement, comme tout le monde. Rodry fut soulagГ© de les voir acquiescer, tour Г  tour.

“Je trouverai d'autres hommes,” promit Seris. “J'en ai croisé quelques-uns dans la grande galerie tout à l'heure. Probablement des gardes ou des chevaliers …”

“Halfin et Twell sont les bienvenus,” affirma Rodry. “Mais les chevaliers ont prêté allégeance à mon père.” Il marqua une pause. “Je ne vous garantis pas qu'il ne vous arrivera rien. Mon père sera hors de lui, même si nous parvenons à nos fins. Mais je dois agir. Je ne peux pas rester les bras ballants.”

Tous acquiescГЁrent.

“Je vais t'aider à revêtir ton armure,” proposa Kay.

Rodry enfila sa cotte de mailles mais il avait besoin de son ami pour resserrer les sangles de sa cuirasse et des Г©paulettes. Vint ensuite le tour du gorgerin et des gantelets. En temps normal, Rodry ne montait pas Г  cheval en armure mais il n'aurait pas besoin d'approcher les ravisseurs de sa sЕ“ur, il se bornerait Г  les arrГЄter et assurer sa protection.

“Dépêchons-nous. Il n'y a pas de temps à perdre.”

Les autres s'attelГЁrent aux tГўches qu'il leur avait confiГ©es, Rodry prГ©para ses armes : Г©pГ©e lance, dague et massue. Il traversa le chГўteau en trombe, les domestiques s'Г©cartГЁrent sur son passage. Ils devaient avoir senti cette rage qui bouillait en lui, qui le poussait Г  aller de l'avant.

Mautlice avait rГ©ussi Г  se procurer des montures aux Г©curies. La plupart de ses amis Г©taient dГ©jГ  sur site, ainsi qu'une demi-douzaine de gardes, la compagnie comptait une vingtaine d'hommes. Certains portaient une armure comme Rodry, d'autres de simples vГЄtements en cuir ou des cottes de mailles, ils avaient revГЄtu ce qui leur tombait sous la main. Serait-ce suffisant ?

Il faudrait bien, le temps pressait, ils s'Г©lanceraient bientГґt sur les traces de Lenore.

Rodry chevaucherait en tГЄte. Il mit un pied Г  l'Г©trier et se hissa en selle. Les grilles du chГўteau grandes ouvertes donnaient sur la citГ© de Royalsport.

Rodry se tourna pour regarder ses hommes. L'espace d'un instant, en plein soleil, on aurait cru voir de vrais chevaliers. Il ignorait s'ils feraient le poids face aux soldats du Roi Ravin mais il espГ©rait qu'ils se montreraient suffisamment rapides et capables pour sauver sa sЕ“ur. Il tira l'Г©pГ©e de son fourreau et fendit l'air.

“En avant !”

Les sabots des chevaux martelaient le sol au galop, Rodry espГ©rait qu'il n'Г©tait pas trop tard.




CHAPITRE QUATRE


Devin revint sur Royalsport, abasourdi, n'en croyant toujours pas ses yeux. Qu'avait-il trouvГ© ? S'agissait-il d'un dragon, personne n'en avait vu depuis des lustres ?

C'Г©tait bien plus que Г§a ; il ne savait mГЄme pas de quoi il s'agissait Г  vrai dire. Ses rГЄves lui avaient permis de comprendre qu'il n'Г©tait pas celui qu'il croyait ГЄtre, qu'il Г©tait Г©tranger au Royaume du Nord. Devin ne savait que penser, il ignorait quelle Г©tait sa mission. Etait-ce liГ© Г  ce qu'il avait fait contre les loups ? Il avait fait de la magie, mais qu'est-ce que cela signifiait ?

Parvenu aux abords de la citГ©, il se dirigea instinctivement vers les nombreux ponts qu'il lui faudrait franchir pour rentrer chez lui. Il avait parcouru une douzaine de pas parmi la foule avant de rГ©aliser qu'il n'avait plus de foyer. Il ne pouvait retourner Г  la Maison des Armes, il n'y travaillait plus, que faire ?

Il contempla la ville sous le soleil en ce milieu de matinée, comme si les brumes de la veille n'étaient que le fruit de son imagination. Les maisons au toit de chaume s'éparpillaient parmi les cours d'eau étendant leurs méandres au sein de la cité, telle une toile d'araignée s'étendrait sur un miroir. Devin distinguait nettement les quartiers nobles, pauvres, miséreux, jusqu'à l'endroit où se trouvait sa maison … son ancienne maison, se corrigea-t-il.

Les gens se bousculaient dans les rues pavГ©es, vers les commerces oГ№ ils travaillaient, vers les grandes bГўtisses des Maisons surplombant la citГ©. Les forges de la Maison des Armes crachaient dГ©jГ  leur fumГ©e vers l'azur, tandis que la Maison des LettrГ©s demeurait Г  l'Г©cart de la cacophonie ambiante. La Maison des Marchands se nichait au cЕ“ur des marchГ©s, tandis que la Maison des Soupirs Г©tait silencieuse en journГ©e, aprГЁs le dГ©part du dernier client de la veille. La citГ© exsudait un mГ©lange d'odeurs de fumГ©e et de sueur, une foule d'individus impossible Г  ignorer.

Le regard de Devin porta plus loin, vers la masse imposante du chГўteau aux murailles grises. Rodry pourrait s'y rendre, le prince l'aiderait. MaГ®tre Grey serait peut-ГЄtre prГ©sent, Devin obtiendrait peut-ГЄtre cette fois-ci les rГ©ponses Г  ses questions. Il aurait peut-ГЄtre la chance d'apercevoir la princesse Lenore si elle n'Г©tait pas dГ©jГ  partie en procession, Devin avait le cЕ“ur gros, il ne devait pas se laisser bercer d'illusions.

Il se mit en route vers le chГўteau, sa silhouette Г©lancГ©e se faufilait parmi la foule encombrant les ruelles. Plus grand que la plupart de ses condisciples, il se fraya facilement un passage, Г©vitant les Г©tals en pleine rue, oГ№ se massait le peuple, observant le rГ©seau des ruisseaux parcourant la citГ©.

Devin Гґta une mГЁche brune devant ses yeux, se demandant si les cours d'eau seraient assez bas pour les franchir Г  cette heure sans se salir. Les riches vГЄtements prГЄtГ©s par Sire Halfin Г©taient certes maculГ©s de boue suite Г  son incursion en forГЄt, mieux valait ne pas courir le risque de les souiller un peu plus. Pas s'il comptait entrer au chГўteau, du moins.

Devin décida de franchir les ponts en pierre et bois les uns après les autres et parvenir ainsi jusqu'au château. Il aperçut une petite troupe de cavaliers visiblement pressés traverser la cité sur un pont voisin. Devin crut apercevoir Rodry à leur tête, mais ils étaient trop loin pour qu'il puisse les héler.

Il poursuivit son chemin vers le chГўteau, traversant les quartiers plus huppГ©s. Il Г©tait habituГ© Г  ce que les gardes lui lancent des regards au passage, mais ils semblaient distraits. Devin pressa le pas, il se passait quelque chose, les rГ©ponses Г  ses questions se trouvaient au chГўteau.

Il s'arrêta net face à la silhouette qui se tenait devant les grilles du château. Maître Grey, en robe blanc et or, manipulait des runes et autres signes cabalistiques libérant de la lumière, il se tourna et fixa Devin droit dans les yeux. Il ôta sa capuche, révélant son crâne rasé et son regard perçant.

"Que se passe-t-il ?" demanda Devin. "OГ№ courent-ils donc tous ?"

"Ce n'est pas l'objet de ta venue," dГ©clara MaГ®tre Grey, d'un ton qui donnait Г  penser qu'il savait parfaitement ce que Devin avait vu.

"Non," avoua Devin. "Je … je vous suivais, j'ai vu … un dragon …"

"Tu es venu chercher des rГ©ponses," rГ©pondit MaГ®tre Grey. "Tu veux en savoir plus sur la magie."

Devin acquiesça.

“Vraiment ?” demanda le sorcier. “Tu veux vraiment apprendre à maîtriser ce qui risque de te détruire à tout jamais ?”

Devin réfléchit. Voilà encore un jour ou deux, il n'y aurait même pas songé. Mais aujourd'hui … il n'avait plus rien à perdre. Plus de maison, plus de famille …

“Je veux apprendre.”

“Suis-moi,” Maître Grey se retourna et s'éloigna, sachant que Devin le suivrait forcément. Pour une fois, le sorcier ne disparut pas hors de sa vue, Devin était si reconnaissant de pouvoir le suivre qu'il s'empressa de lui emboîter le pas alors qu'il pénétrait au château. La foule de serviteurs s'écarta devant le mage.

"Je … j'ai fait des rêves étranges", dit Devin en marchant. "J'ai rêvé que je n'étais pas celui que je croyais être."

Maître Grey ne répondit pas et continua d'avancer jusqu'à une volée de marches qui s'enfonçait dans les entrailles du château. Des torches vacillantes projetaient des ombres sur des pierres érodées plus anciennes encore que le château, un restant de mortier s'effritait, victime de l'usure des temps.

"Г‡a descend," dГ©clara Devin. "OГ№ allons-nous ?"

Encore une fois, il n'obtint pas de rГ©ponse du mage. Devin sentait la frustration le gagner. Il se planta devant MaГ®tre Grey, bien rГ©solu Г  le faire rГ©agir. Le sorcier s'arrГЄta et le regarda fixement jusqu'Г  ce que Devin s'Г©carte.

"Je ne veux que des rГ©ponses !" renchГ©rit Devin.

"Les rГ©ponses sont souvent prГ©cieuses," dГ©clara MaГ®tre Grey. "Mais rares."

"J'aimerais simplement comprendre ce que j'ai vu", poursuivit Devin. "Je sais que je suis nГ© lors de la lune du dragon. Que mes parents ne sont pas mes vrais parents."

"Des choses dangereuses," dГ©clara MaГ®tre Grey. "Peut-ГЄtre encore plus dangereuses Г  savoir."

"Vous ne m'expliquerez donc rien," hasarda Devin. "Pourquoi ГЄtre venu Г  ma rencontre, si ce n'est pour me fournir des explications ?"

"Parce que tu as une mission Г  accomplir. Une mission qui pourrait s'avГ©rer importante dans les jours Г  venir."

"Quelle mission ?"

Ils atteignirent une porte en chГЄne foncГ© bardГ©e de fer que MaГ®tre Grey ouvrit, rГ©vГ©lant un piГЁce voГ»tГ©e, une fenГЄtre laissait pГ©nГ©trer un puits de lumiГЁre formant un halo de clartГ© sur les dalles blanc et noir. La piГЁce comprenait une forge, un creuset, une enclume ainsi que tous les outils nГ©cessaires au travail du mГ©tal, disposГ©s sur des Г©tagГЁres en fer noirci.

Un lieu Г©trange, des symboles gravГ©s Г  leur surface rappelaient ceux figurant sur les robes de MaГ®tre Grey.

“Ces outils sont magiques ?”

A son grand étonnement, Maître Grey secoua la tête. “Il ne s'agit pas de les rendre magiques, mais de parvenir à insuffler la magie lorsque tu t'en sers.”

“Comment dois-je m'y prendre ?”

Le sourire énigmatique de Maître Grey s'avérait indéchiffrable. “Tu connais déjà l'effet produit lorsqu'on invoque la magie. Tu dois simplement la guider dans le métal travaillé.”

“Mais comment faire ?” répéta Devin.

“Tu apprendras,” lui assura Maître Grey. Il lui montra la forge. “Il le faudra bien, la chaleur ou le marteau ne suffiront pas à dompter le métal d'astéroïde.”

Devin regarda le métal de météorite, posé près de la fonderie. Il avança, le toucha, quelque chose de non identifiable, d'incompréhensible s'en dégageait, courait sous ses doigts.

“Il te parle,” déclara Maître Grey. Il alla se placer près du mur. “Tu dois désormais doser ta réponse. La magie est dangereuse. Mes sorts parviendront à la museler mais si tu t'y prends mal … le métal te dévorera.”

“Il me dévorera ?” répéta Devin. Le fer et l'acier n'étaient plus qu'un lointain souvenir.

“Le métal est imprégné de magie. Tu dois le façonner mais si tu en ajoutes en excès, tu peux y laisser la vie,” expliqua Maître Grey. “Trouve la magie qui te correspond, mon garçon. Canalise-la, sers-t'en pour façonner ce métal. Commence par le fondre.”

Devin voulut rétorquer mais telle était sa mission. Il devait la mener à bien s'il voulait gagner sa place au sein du château. Il devrait remettre cette épée au roi … ou à Rodry. Mais tout d'abord, il devait la fabriquer.

Il prГ©para le feu pour la fonte, le bois d'abord, puis le charbon, actionna les soufflets afin d'attiser les braises. Il observait les flammes, le feu serait Г  bonne tempГ©rature lorsque qu'elles atteindraient la couleur voulue.

“Il ne suffit pas de chauffer mon garçon,” lui rappela Maître Grey.

Devin fit abstraction du reste, essaya de retrouver ce pouvoir dont il avait fait usage dans la vallée, un pouvoir qui faisait écho au métal. Devin toucha le minerai, se concentra sur la sensation. Il le sentait, oui, il le sentait. Il fit en sorte que cette sensation se propage dans la fonderie, dans les flammes …

Il s'Г©carta de justesse tandis que les flammes jaillissaient, le lГ©chant presque et apportant avec elles des rГ©miniscences de sa vision du dragon. Tandis qu'il jetait les pierres par terre, Devin vit que les sortilГЁges de MaГ®tre Grey prenaient vie, absorbant le pouvoir ainsi libГ©rГ©.

“Je …” Devin chancelait. “Je n'y arrive pas.”

“Tu y arriveras, tu en es capable. Patience.”

Devin manifestait son impatience, des cris retentissaient dans le chГўteau, comme lors d'une attaque.

"Que se passe-t-il ?"

"Cela ne te concerne pas."

"Je veux savoir." Il recula. "Que me cachez-vous ?"

"Je sais des choses que tu ignores."

Devin se dirigea vers la porte. "Je le dГ©couvrirai par moi-mГЄme."

“La Princesse Lenore a été enlevée par les hommes du Roi Ravin,” l'informa Maître Grey avec une certaine compassion, l'air détaché, comme si cette affaire ne l'affectait pas. “Le Prince Rodry est parti à son secours, son père rassemble ses hommes pour franchir les ponts menant vers le sud.”

Devin crut que son cЕ“ur s'arrГЄtait. Lenore Г©tait en danger ? Il voulait se lancer Г  sa rescousse, la sauver. Il ignorait d'oГ№ venait ce sentiment, mais il Г©tait bel et bien prГ©sent, il ne pouvait rester sans rien faire, la sachant en danger.

"Je dois rejoindre les forces armГ©es du roi," dit-il en se dirigeant vers la porte.

MaГ®tre Grey se posta devant lui. "Pourquoi ?"

"Je pourrais … je pourrais aller combattre pour la sauver."

"Crois-tu qu'il n'y a pas suffisamment d'hommes à ses trousses ? Le prince Rodry est accompagné de ses … amis. Le roi a ses chevaliers et ses gardes. Tu ne leur serais d'aucune utilité, hormis te faire tuer."

Il en Г©tait persuadГ©, aussi sГ»r que deux et deux font quatre.

"Qu'est-ce que Г§a peut vous faire ?"

"Je m'en préoccupe parce que tu es trop important pour périr de la sorte. Le garçon né le jour de la lune en dragon ? Celui de la prophétie ? Non, telle est ta mission : apprendre, apprendre à maîtriser tes pouvoirs magiques, forger l'épée."

Devin se dirigea de nouveau vers la porte, mais MaГ®tre Grey l'arrГЄta.

"Ne crois-tu pas que le roi te laisserait ici si je le lui demandais ?" il indiqua la fonderie d'un signe de tГЄte. "Tu as une mission Г  accomplir. Fais de ton mieux."

Devin voulut argumenter mais il savait que ce serait en pure perte. Il voulait aider au sauvetage de Lenore mais MaГ®tre Grey, Г  son grand agacement, avait raison sur toute la ligne. Il ne pouvait rien pour aider les hommes dГ©jГ  lancГ©s Г  sa rescousse, il ne serait jamais le noble guerrier qui la sauverait. C'est tout ce qu'il Г©tait en mesure de faire.

Il retourna Г  la fonderie, prГЄt Г  rГ©essayer. Sa frustration grondait, mais pas seulement. Il avait tant de questions, MaГ®tre Grey ne rГ©pondait Г  aucune d'entre elles.

Il trouverait bien un moyen d'obtenir les rГ©ponses.




CHAPITRE CINQ


Le Prince Greave n'était pas habitué aux navires, qu'il ne connaissait que dans les livres. Il avait lu des passages de Samir, Navigation et de Hussard, Les Côtes en préparation du voyage, mais aucun d'eux ne l'avaient préparé à la réalité d'une mer déchaînée, à un équipage de marins qui l'ignoraient, à un ciel menaçant.

La Serpentine Г©tait un immense trois-mГўts aux bastingages hauts et ventrus, flanquГ© de chaloupes, tel une Г©pГ©e fendant les vagues. Les marins Г©taient des hommes rudes, portant des vГЄtements amples et simples facilitant leurs dГ©placements, ils se mouvaient avec agilitГ© autour du grГ©ement. Des hommes durs et aguerris, rien Г  voir avec Greave pour lequel ils n'Г©prouvaient que mГ©pris, avec son visage imberbe et son allure fГ©minine.

Il songea à Nerra, tous étaient prêts à l'aider, tout cela en valait la peine. La voie navigable était le chemin le plus rapide vers la grande bibliothèque d'Astare. Le seul moyen de se rendre à l'endroit où il trouverait un remède contre la maladie de l'homme de pierre dans un délai raisonnable. Greave craignait toutefois … qu'il ne soit trop tard.

"Est-ce … normal ?" demanda Aurelle.

"Tu regrettes d'ГЄtre venue ?"

Elle secoua la tГЄte. "Ma place est Г  tes cГґtГ©s."

Tout semblait couler de source, Greave ne pouvait imaginer qu'une autre femme le suive ici-mГЄme, sur ces mers agitГ©es, berceau de tant de victimes, sur un navire risquant d'ГЄtre dГ©chiquetГ© s'il s'approchait trop prГЁs des puissants courants qui le drosseraient sur les rives de la Slate. Aucune autre ne se serait lancГ©e dans pareille aventure, mais Aurelle n'Г©tait pas comme les autres.

"Tu as le mal de mer," dГ©clara Aurelle.

Greave songea à son apparence. Il était mince, des traits presque féminins, des cheveux ondulés, ses traits auraient sans nul doute inspiré un artiste en quête d'une expression figurant la tristesse. Les embruns avaient rendu ses cheveux poisseux, sa barbe naissante – la barbe ne lui allait pas du tout – ombrait son menton, ne mettant absolument pas en valeur ses traits tirés par la nausée.

Quant à Aurelle … elle était parfaite.

Elle était belle avec sa peau d'albâtre, ses pommettes et ses lèvres étaient des joyaux scintillants lovés parmi la constellation de ses traits parfaits. Quant à son corps … Greave aurait pu écrire des poèmes, elle ne portait plus sa robe d'apparat mais une tenue de voyage, une tunique gris et argent, un corset et un haut-de-chausses.

Rien n'avait d'importance, elle Г©tait lГ , avec lui, en route pour la grande bibliothГЁque d'Astare. Elle l'accompagnait dans sa quГЄte du remГЁde contre la maladie de l'homme de pierre, personne d'autre ne l'aurait suivi, elle voulait aider Nerra, elle s'Г©tait embarquГ©e de son plein grГ©, quoique sa joie fut plus modГ©rГ©e que la sienne.

"Pourquoi ne pas ГЄtre partis Г  cheval ?"

"Nous faisons cap au nord-est du Royaume du Nord, en Г©vitant les terres volcaniques. Y aller seuls Г  cheval aurait Г©tГ© plus difficile, voire dangereux."

"La voie navigable te paraГ®t plus sГ»re ?" demanda Aurelle, en indiquant la vaste mer.

On ne voyait plus terre ; les navires s'Г©loignaient pour Г©viter les courants dangereux prГЁs des cГґtes. C'Г©tait troublant, Greave avait passГ© le plus clair de son temps dans les bibliothГЁques, mais Г©prouvait un sentiment nouveau devant ce monde dГ©crit par les Г©crivains qu'il admirait, l'univers dans toute sa splendeur.

"Greave, regarde, une baleine."

Greave vit surgir une immense silhouette grise Г  la mГўchoire dГ©mesurГ©e, hГ©rissГ©e de dents pointues, visiblement pas une baleine, bien qu'aussi volumineuse, la peau de sa nageoire se confondait de loin avec des algues. Greave se souvint avec horreur de l'ouvrage CrГ©atures des Profondeurs de Lolland.

"Ce n'est pas une baleine. Accroche-toi, Aurelle." Il cria pour que l'Г©quipage entende. "Un darkmaw !"

L'Г©quipage regarda alentour et mit un certain temps avant de rГ©agir, pas habituГ©s Г  entendre crier un Г©tranger. Greave savait ce qu'ils pensaient Г  cet instant prГ©cis : ce prince, ce privilГ©giГ©, ignorait la diffГ©rence entre un darkmaw et un banc de harengs. Ils le virent de leurs yeux vus une seconde plus tard, et coururent chercher leur stock de harpons.

La crГ©ature plongea dans les profondeurs.

Greave voyait son ombre sous l'eau, il l'apercevait tandis qu'il s'agrippait au cordage. Les marins l'observaient avec mГ©fiance, plusieurs d'entre eux cherchaient encore des armes.

C'est alors que la crГ©ature frappa.

Elle s'abattit sur le flanc du bateau, mais le bosco vira de bord afin que le navire ne pГўtisse de la violence de l'attaque. Le bateau gita violemment, Greave se retint fermement au cordage pour rester debout.

Aurelle n'eut pas cette chance. Elle tomba et cria, glissa vers le bord du navire. Le darkmaw se dressait, gueule grande ouverte pour attraper sa proie, le navire gitait, pris entre ses nageoires.

Greave bondit instinctivement pour rattraper Aurelle, et ainsi lГўcher prise. Ses doigts se refermГЁrent sur son poignet, il cГ©dait du terrain.

Greave voyait les harpons s'enfoncer dans la chair de la crГ©ature, sans trop d'effet. Elle se rapprochait inexorablement, il voyait distinctement ses grands yeux fixes, empreints d'une malveillance terrifiante.

"Votre Altesse !" cria un marin, Greave regarda dans sa direction juste Г  temps pour voir l'homme lui lancer un harpon. Greave attrapa fermement l'arme qui voltigea jusqu'Г  lui.

"Greave !" hurla Aurelle. Elle était au bord du bastingage, retenue à grand peine par Greave, qui, muni de son harpon, regrettait de ne pas avoir consacré plus de temps à l'entraînement, si seulement il avait su qu'il affronterait un jour cet œil maudit …

Il lança le harpon qui fit mouche et se planta profondément dans l'œil grand ouvert du darkmaw, la créature poussa un cri atroce. La bête massive lâcha le navire, qui se redressa, la vague générée par la gerbe d'eau menaçant de submerger le navire.

Greave tenait fermement Aurelle, bien dГ©terminГ© Г  ne pas la lГўcher. Il la hissa Г  bord pour qu'elle ne tombe pas Г  l'eau, mais Г©galement pour se prouver qu'elle Г©tait bien lГ , saine et sauve.

"J'ai cru te perdre."

"Tu m'as sauvé la vie. Je … je ne sais pas quoi dire …"

"Je sais." Il l'embrassa tendrement. "Je t'aime."

"Je … je t'aime aussi."


***

Aurelle avait parlé sans réfléchir, la Maison des Soupirs lui avait appris que ces quelques mots n'étaient qu'un moyen de parvenir à ses fins, une façon supplémentaire de maîtriser ses sentiments. Pour celles dont le rôle consistait à offrir leur corps, ces mots insufflaient un peu de douceur à la chose, permettaient de gagner plus d'argent. Pour elle, ces mots étaient une arme aussi tranchante qu'un couteau.

Elle aurait pu poignarder le Prince Greave Г  ce moment-lГ . Il Г©tait tout prГЁs, les marins le croiraient blessГ© par la crГ©ature, consГ©quence logique de cet enfer.

Ou pas. Ils s'apercevraient peut-ГЄtre de son geste et la tueraient. Ils croiraient peut-ГЄtre que la blessure avait Г©tГ© provoquГ©e par la crГ©ature, elle serait alors la seule femme Г  bord parmi tous ces marins, sans aucun moyen de rentrer, soumise Г  leur bon vouloir.

Non, un bateau n'Г©tait pas le meilleur endroit pour tuer le prince, mГЄme si son patron lui aurait probablement demandГ© de le tuer sur le champ, quels que soient les risques. Aurelle songea au Duc Viris, Г  ce qu'il lui faisait faire. Il se souciait d'elle comme une guigne. Le temps passГ© avec elle Г  la Maison des Soupirs en Г©tait la preuve.

Aurelle se voulait pragmatique, mais il y avait autre chose. Greave Г©tait un homme doux, gentil et attentionnГ©, complГ©tement diffГ©rent de ceux qu'Aurelle rencontrait habituellement. Il avait sautГ© pour la sauver sans rГ©flГ©chir, s'Г©tait Г©lancГ© au-devant du danger, alors qu'il aurait simplement pu s'accrocher Г  la ligne de vie et attendre que les marins chassent le darkmaw. Le Duc Viris ne se serait jamais comportГ© de la sorte.

Sa mission demeurait inchangГ©e : Aurelle devait empГЄcher Greave de trouver le moyen d'aider sa sЕ“ur. Elle devait le distraire, exercer son pouvoir, le tuer si nГ©cessaire. Aurelle redoutait d'en arriver Г  cette extrГ©mitГ©, elle ne savait pas quoi faire. Elle ne pouvait pas tuer Greave, se refusait Г  lui faire du mal.

Elle rГ©alisa que ne pouvoir aider sa sЕ“ur lui brisait le cЕ“ur. Pouvait-elle le tuer ? Devait-elle le tuer ? Son bon sens lui disait oui ; le Duc Viris n'Г©tait pas seulement son patron, mais l'instigateur de toute cette affaire. Aurelle savait ce qu'ГЄtre Г  la merci d'hommes puissants signifiait ; elle ne souhaitait pas provoquer l'ire de l'un des puissants de ce monde.

Et pourtant … elle ne pouvait se détacher de Greave, restait constamment dans les bras de cet homme étrange et séduisant qui parcourait le royaume pour sauver sa sœur, qui chérissait plus les livres que la violence.

"Je t'aime," rГ©pГ©ta-t-elle, cette arme Г  double tranche pourrait facilement se retourner contre elle.

Ils toucheraient bientôt terre, et alors … alors il lui faudrait choisir.




CHAPITRE SIX


Le Prince Vars chevauchait en tГЄte, il essayait de rester bien droit en selle, de garder sa prestance royale. Il avait toujours Г©tГ© douГ© pour. Il n'Г©tait pas aussi musclГ© que Rodry, n'avait pas la beautГ© presque fГ©minine de Greave, mais il Г©tait encore jeune, beau et noble, avec son armure et ses magnifiques atours.

Il se savait observГ© par les gardes qui l'accompagnaient, dans l'attente de ses ordres. Il songea Г  l'auberge dans laquelle ils avaient passГ© la nuit, s'Г©taient enivrГ©s de biГЁre, empiffrГ©s de viande et Г©tourdis de femmes. Vars avait largement profitГ© des trois, la tentation de remettre le couvert Г©tait grande.

"Votre Altesse," questionna le sergent. "Ne devions-nous pas rattraper la Princesse pour la procession des noces ?"

"C'est moi qui donne les ordres, Sergent," lui rappela Vars, l'homme avait raison, c'était agaçant. Faire relâche une soirée ne coûtait rien, tous sauraient qui commandait. Vars savait combien son père serait fâché s'il découvrait son absence, Vars ne voulait pas risquer la colère de son père.

"TrГЁs bien. En avant !"

Ils se mirent en route, le soleil s'Г©tait levГ©, la chaleur Г©tait agrГ©able, pas Г©touffante. Ils employГЁrent la matinГ©e Г  rejoindre le carrefour choisi par Vars. Ils traversГЁrent des terres arables, des champs de blГ© et autres cГ©rГ©ales que les paysans Г©taient censГ©s cultiver. Les routes Г©taient en terre, avec des murs de pierres sГЁches de part et d'autre et quelques arbres : pommiers, cГЁdres, chГЄnes et poiriers. Des moutons paissaient dans les champs, des bГЄtes stupides, Г  l'image du vulgus pecum.

Ses hommes Г©taient heureusement sensГ©s : ils ne lui firent pas remarquer qu'ils Г©taient dГ©jГ  passГ©s par lГ  hier parvenus au carrefour oГ№ gisait le panneau. Vars s'engagea le premier sur l'autre voie ; l'auberge oГ№ Lenore avait passГ© la nuit devait se trouver Г  une heure de route.

Elle accueillerait Vars en héros après cette période en solitaire, effrayée par les dangers de la route, comme elle le faisait avec Rodry. Bien sûr, Vars devrait passer quelques jours encore avec elle durant ce voyage, ils arpenteraient le fin fond du royaume pour récolter les présents, ce n'était pas si terrible après tout. Une partie du tribut trouverait peut-être le chemin de ses coffres chemin faisant …

Cette agréable pensée permit à Vars de poursuivre, tandis que ses troupes marchaient au pas sur la route menant à l'auberge. Il l'apercevait de loin, les bâtiments étaient désormais visibles entre les arbres. Vars poussa son cheval. La brillante cohorte arriverait bientôt à bon port, avec Vars à sa tête…

Quelque chose clochait. De la fumée aurait dû s'échapper des fourneaux, de multiples signes de vie. Un calme absolu régnait. Vars voulut faire demi-tour, s'éloigner. Il savait que son père considérerait sa fuite comme un aveu de faiblesse …

Il ralentit suffisamment pour laisser ses hommes arriver à l'auberge avant lui. A l'abri derrière ses hommes, Vars aperçut le carrosse de Lenore, l'espoir renaissait. Puis il vit les cadavres, l'espoir céda la place à une terreur effroyable.

Ils gisaient lГ  oГ№ ils Г©taient morts ou avait Г©tГ© traГ®nГ©s. Vars reconnut les uniformes ensanglantГ©s des gardes qui escortaient Lenore. Des servantes avaient Г©tГ© sauvagement assassinГ©es, moins rapidement cela dit. L'Е“il entraГ®nГ© de Vars ne connaissait que trop bien la mort lente.

La peur s'empara de lui. Notamment pour sa demi-sЕ“ur, en dГ©pit des racontars, Vars n'Г©tait pas un monstre. Il eut surtout peur pour lui, peur de la rГ©action de son pГЁre lorsqu'il apprendrait que Vars avait Г©chouГ© Г  protГ©ger Lenore, mais lГ  n'Г©tait pas la question.

La question … la question était que Vars était absent au moment des faits.

Il Г©prouva un certain soulagement dans un premier temps, sa prГ©sence ici rimait avec danger inconsidГ©rГ©, voire, la mort, vue la facilitГ© avec laquelle les gardes de Lenore avaient Г©tГ© massacrГ©s.

Sa pensГ©e suivante fut que tel Г©tait son destin, tout le monde l'apprendrait. Ils le considГЁreraient comme un ГЄtre mГ©prisable, un moins que rien, tout prince du royaume soit-il.

"Trouvez ma sЕ“ur !" ordonna Vars. "DГ©couvrez ce qui s'est passГ© !"

Il resta assis sur son cheval pendant que ses hommes se dГ©ployaient, fouillaient l'auberge dans les moindres recoins. Vars Г©tait assis, la main sur le pommeau de son Г©pГ©e, ne sachant que faire si jamais les assaillants sortaient des bГўtisses alentour. Attaquer, rester assis, comme pГ©trifiГ©, prendre la fuite ? Il ne risquait pas d'entrer en premier et aller au-devant du danger.

Vars se haГЇssait.

"Il y a quelqu'un !" cria le sergent depuis l'Г©curie. "Elle est en vie !"

Vars mit pied à terre, espérant qu'il s'agisse de Lenore. Si elle était morte …

Il fit irruption dans l'Г©curie et trouva le sergent, qui aidait une jeune femme Г  se relever. Ce n'Г©tait pas Lenore, elle ne ressemblait pas aux servantes. Elle portait des vГЄtements simples de paysanne, peut-ГЄtre une servante de l'auberge. Vars s'approcha d'elle.

"Que s'est-il passГ© ? OГ№ est ma sЕ“ur ?"

La jeune femme hurla devant son ton impГ©rieux, seule la prГ©sence apaisante du sergent l'empГЄcha de fuir. Vars n'avait pas de temps Г  perdre. Il devait savoir ce qui s'Г©tait passГ©, s'il Г©tait vraiment dans le pГ©trin.

"Que s'est-il passГ© ? OГ№ est la Princesse Lenore ?"

"Partie", répondit la servante. "Les mercenaires… l'ont enlevée …"

"Des mercenaires ?" rГ©torqua Vars, incrГ©dule. Il en avait entendu parler. Le Roi Ravin formait des tueurs, leur apprenait Г  traverser les ponts pour parvenir Г  ses fins.

"Ils … ils nous ont presque tous tué. Ils se sont emparés de l'auberge, n'ont gardé que quelques-unes d'entre nous pour … pour …"

Un autre que Vars aurait prodiguГ© des paroles d'apaisement mais Vars se borna Г  la dГ©visager.

"OГ№ est ma sЕ“ur ?"

"Ils l'ont enlevée. Ils ont attendu qu'elle entre dans l'auberge avec ses hommes, ils ont tué les hommes, et … ils l'ont capturée ; elle et ses domestiques. Ils l'ont gardée ici, lui ont fait du mal, ils font route vers le Sud."

"Ils t'ont laissГ© la vie sauve pour tГ©moigner ?" demanda Vars, circonspect. Quand on fait le mal, mieux vaut agir en secret, Г  l'abri des regards indiscrets. Il Г©tait bien placГ© pour le savoir.

"Ils voulaient que ça se sache," reprit la jeune femme. "Ils ont tué certaines servantes, quant aux autres… ils les ont renvoyées pour annoncer la nouvelle. Ils m'ont laissée ici. Afin que l'on sache ce qu'ils ont fait, ils ont réussi à enlever la Princesse, ici-même. Ils la détiennent."

Vars laissa Г©chapper un cri de colГЁre et de frustration. Ses hommes imputeraient sa colГЁre Г  l'enlГЁvement de sa sЕ“ur, la sachant en danger. Sa colГЁre Г©tait tout autre. D'autres personnes savaient ce qui s'Г©tait passГ©, grГўce aux victimes relГўchГ©es par les mercenaires. Frustration de savoir que son Г©chec serait connu de tous.

Il devait voir ce qu'il convenait de faire.

"Combien sont-ils ?"

"Une … douzaine."

Une douzaine d'hommes avait suffi Г  commettre cela ? Seul point positif : ils Г©taient plus nombreux qu'eux. Vars aimait dГ©passer ses adversaires en nombre.

"Rassemblez les hommes," aboya Vars.

"Et elle ?" demanda le sergent, en indiquant la femme.

"Seule ma sЕ“ur compte !"

Elle seule comptait aux yeux de leur père. En revenant avec elle, Vars aurait pu inventer toutes les histoires voulues imputables à un retard en cours de route, il aurait été accueilli en héros. Mais rentrer sans …

C'Г©tait tout bonnement impossible ; Vars s'y refusait.

Il rejoignit sa monture et monta en selle, tel le hГ©ros d'une chanson. L'ironie de la situation ne l'effleura mГЄme pas lorsque ses hommes se rassemblГЁrent, comme s'ils obГ©issaient aux ordres d'un vrai chef.

Vars agita son Г©pГ©e, plus qu'il ne le faisait habituellement lors d'un combat et regarda ses hommes.

"Toi, va voir s'il reste des chevaux Г  l'Г©curie. Les autres, en marche, au trot." Un murmure s'Г©leva, que Vars fit taire d'un simple coup d'Е“il. "Ma sЕ“ur, votre Princesse, est en danger ! Les hommes du Roi Ravin l'emmГЁnent dans le Royaume du Sud, ils devront franchir les ponts. Nous pouvons les arrГЄter et la sauver si nous arrivons les premiers ! Chacun de vous sera un hГ©ros !"

Tous, mais lui serait le plus grand. Il sauverait sa sœur, ses hommes raconteront comment le brave prince Vars avait combattu contre les fines lames du Roi Ravin. En cas d'échec … son père le tuerait certainement.

Tuer une douzaine d'hommes pour parvenir Г  ses fins ? Vars Г©tait prГЄt Г  tout.

"En avant !" hurla-t-il en faisant avancer sa monture. "Nous devons Г  tout prix atteindre ce pont !"




CHAPITRE SEPT


La premiГЁre surprise pour Nerra fut de se rГ©veiller. Elle ouvrit les yeux, elle respirait, son corps ne la brГ»lait plus. Elle se redressa et dГ©couvrit, seconde surprise, qu'elle se trouvait dans un lit Г©trange. En pierre, avec des couvertures, un grand dortoir, avec des lits tous semblables.

Des silhouettes pour la plupart immobiles, presque à l'article de la mort, gémissaient. Nerra sentait une odeur de sueur, une chaleur prégnante. Les individus portaient des vêtements variés, comme venus des quatre coins du monde, mais ici et là, Nerra pouvait voir un morceau de peau nue, zébrée de lignes noires semblables à des écailles…

Ils Г©taient comme elle.

Nerra regarda attentivement autour d'elle, essayant de comprendre. Elle s'était évanouie dans la forêt, le dragon …

"Vous voici rГ©veillГ©e."

L'homme en faction prГЁs de la porte constituait la troisiГЁme surprise. Il portait une longue barbe bouclГ©e entrelacГ©e de coquillages arborant diffГ©rents symboles. Ses longs cheveux gris lui tombaient aux Г©paules. Il portait une tunique et un haut-de-chausses effilochГ©s et visiblement usГ©s. Grand et large d'Г©paules, des traits burinГ©s et bienveillants.

"Qui … qui êtes-vous ?" demanda Nerra en se levant. "Où suis-je ?"

"Ta place est ici, dans le refuge ultime des malades du dragon," dГ©crГ©ta l'homme. Nerra Г©tait perplexe ; au Royaume du Nord, on l'appelait la maladie de l'homme de pierre. Elle ne se trouvait donc plus au Royaume du Nord ?

"Je … je …" hasarda Nerra. "J'allais mourir."

"Effectivement," confirma l'homme, d'une voix Г©trangement calme. "Mais nous savons freiner l'Г©volution de la maladie, momentanГ©ment du moins."

"C'est incroyable. Si les gens savaient … mon père est—”

"Je sais qui tu es, Princesse Nerra. Je sais que tu as Г©tГ© bannie, tu es dГ©sormais en sГ©curitГ© parmi nous. Les malades peuvent vivre ici jusqu'Г  la fin de leurs jours. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour prolonger leur existence".

Nerra ne comprenait pas. "Vous ne m'avez toujours pas dit votre nom."

“Kleos. Gardien des lieux. Je t'ai vue arriver ; il est rare qu'un dragon s'en charge personnellement."

Rare, mais pas tant que Г§a au final, il ne semblait pas Г©tonnГ© outre mesure.

"Vous parlez comme si vous aviez dГ©jГ  vu des dragons," dГ©clara Nerra. "OГ№ sommes-nous ?"

"Suis-moi, vois par toi-mГЄme."

Il la conduisit hors du dortoir, dans un vaste espace semblable Г  un village. Les gens travaillaient, cultivaient des petits potagers, transportaient de l'eau. Tous atteints par la maladie de l'homme de pierre.

Le village entourГ© de roches se nichait sur les contreforts d'un volcan. Des formations rocheuses basaltiques, noircies et dГ©chiquetГ©es, sortaient de terre, comme jaillies du magma. Quelques arbres poussaient Г§a-et-lГ  sur le versant sombre, au loin, le sol instable se jetait dans la mer, on croirait voir une Г®le. Une jetГ©e en contrebas permettait de dГ©barquer.

Le regard de Nerra portait loin. On distinguait, Г  peine visible Г  l'horizon, un rivage plus Г©tendue que l'Г®le, un paysage hГ©rissГ© de volcans, Г  l'aspect tourmentГ© et inhospitalier. Au-dessus des volcans, des points tournoyaient. Il lui fallut un moment pour apprГ©hender leur taille Г©norme, c'est alors qu'elle comprit : des dragons.

“Sarras,” Nerra était sous le choc. Elle n'avait jamais vu le troisième continent, c'est là qu'elle était forcément. Si tel était le cas, son dragon lui avait fait traverser la moitié de l'océan. "Je suis sur Sarras."

"Pas vraiment," déclara Kleos, en indiquant la petite communauté. "Tu es sur Haven. Notre île vit à l'écart des horreurs de … cet endroit."

"Quelles horreurs ?"

Kleos secoua la tête. “Plus tard. C'est un havre de paix, les malades peuvent vivre paisibles et mourir en paix."

“Un …” Nerra ne savait que penser. Etait-elle censée rester ici jusqu'à sa mort ? "Où suis-je ? En prison ? Captive ?"

"Dans un refuge. Les personnes atteinte de la maladie du dragon sont Г  l'abri du monde qui les entoure, et vice versa."

"C'est la deuxiГЁme fois que vous l'appelez ainsi," souligna Nerra. "A cause des Г©cailles ?"

"A cause de ce que deviennent les personnes qui en sont atteintes." Kleos marqua une pause. "Je … pourrais te montrer, mais il ne vaut mieux pas, si tu veux rester en paix."

Nerra ne fit pas montre de la moindre hГ©sitation. "Montrez-moi."

Personne n'avait Г©tГ© en mesure de lui montrer en quoi sa maladie la transformerait. Le mГ©decin lui en avait parlГ©, mais ce n'Г©tait pas pareil. Nerra voulait voir de ses propres yeux. Elle emboГ®ta le pas Г  Kleos jusqu'Г  une autre zone de la communautГ©, dans un bГўtiment de pierre Г  la porte plus solide que les autres, qu'il ouvrit Г  l'aide d'une clГ©.

"Nous devons faire preuve de prudence une fois à l'intérieur. Ils n'ont … plus rien d'humain."

"Mais vous avez dit qu'on pouvait les soulager," dГ©clara Nerra.

"Effectivement," convint Kleos. "Mais ne te laisse pas bercer d'illusions, Princesse. Il n'y a aucun remГЁde. VoilГ  le rГ©sultat, en dГ©pit de mes efforts."

Il s'Г©carta pour laisser passer Nerra, pour qu'elle puisse voir. L'intГ©rieur du bГўtiment Г©tait dans l'ombre, l'obscuritГ© Г©tait ponctuГ©e de plaintes et gГ©missements. Un bruit qui n'avait rien d'humain.

La crГ©ature qui se dressait devant elle n'avait rien d'humain. Plus grande qu'un homme, des mains griffues couvertes d'Г©cailles, des dents capable de dГ©chiqueter la chair, des traits dГ©formГ©s comparables Г  ceux d'un lГ©zard. Son corps Г©tait ramassГ© et difforme, ses muscles, informes. Ses yeux humains Г©taient dГ©pourvus de toute humanitГ©, on pouvait y lire la colГЁre, la douleur et la faim. Cette chose inhumaine n'Г©tait pas un vГ©ritable dragon, un mГ©lange des deux, une Е“uvre inachevГ©e, torturГ©e.

Elle plongea sur Nerra, trop lente pour esquiver. La crГ©ature massive lui sauta dessus, la fit tomber et la plaqua au sol. Ses griffes s'abattraient bientГґt sur elle, Nerra Г©tait persuadГ©e que Kleos l'avait amenГ©e ici pour qu'elle pГ©risse de ses mains, pour une raison qui lui Г©chappait.

Kleos surgit avec un couteau aussi long que l'avant-bras de Nerra, sa lame torsadée forgée dans un métal sombre. Il la planta dans la poitrine de la créature, qui poussa un cri animal et tomba sur le dos, toutes griffes dehors, comme pour parer d'autres attaques, mais déjà, Kleos s'avançait.

"Je suis désolé", dit-il, tandis que Nerra se relevait. "J'ignorais qu'il était parvenu à un stade si avancé en vous amenant ici. Son … heure est venue."

"C'était une personne ?" demanda Nerra. Elle avait du mal à y croire, elle refusait d'y croire … elle finirait donc ainsi. "N'y a-t-il rien que vous puissiez faire ?"

"Si, une seule," Kleos s'avança vers la créature. Empli de pitié, il franchit la limite et s'approcha de ses griffes, semblables à celles d'un dragon. Il planta vigoureusement l'épée sous sa mâchoire, la lame pénétra jusqu'au cerveau. Nerra entendit la créature pousser un cri, à la fois choquée et soulagée, puis Kleos retira sa lame, la bête gisait au sol.

Il resta planté là quelques secondes. Nerra entendait des grognements monter des entrailles de la bâtisse, d'autres choses … d'autres personnes.

"Aide-moi Г  le transporter Г  l'extГ©rieur. Il est enfin en paix, nous allons lui rendre les derniers hommages."

Nerra ne savait que faire, elle s'empara des jambes de la crГ©ature pendant que Kleos la soulevait.

"Vais-je …" commença-t-elle. "Vais-je …"

"ConnaГ®tras-tu la mГЄme fin que Matteus ?" demanda Kleos, la tГЄte basse. "La plupart ne vivent pas aussi longtemps. La maladie du dragon les tue bien avant. Mais oui, c'est une Г©ventualitГ©."

"Et vous me tuerez ?" demanda Nerra.

Kleos hocha la tГЄte. "Je t'apporterai la paix, lorsque tout espoir sera perdu."

Nerra en était malade. Son dragon l'avait amenée ici, l'avait sauvée, et maintenant … il l'avait sauvée pour la vouer à une mort certaine.




CHAPITRE HUIT


Pour Lenore, mieux valait la mort que se retrouver Г  cheval, mains liГ©es devant elle, plaquГ©e contre Ethir, qui la tenait fermement par la taille. Les mercenaires chevauchaient en rang en silence, tout comme leurs montures, mains serrГ©es sur leurs armes Г©tranges.

Elle avait tentГ© de fuir mais les mercenaires lui avaient prouvГ© Г  deux reprises qu'elle ne pouvait pas leur Г©chapper. Ils l'avaient rattrapГ©e facilement, ramenГ©e Г  l'auberge, et capturГ©e de nouveau lorsqu'elle avait tentГ© de fuir. Elle n'avait aucune issue.

Elle avait espГ©rГ© qu'on viendrait Г  son secours. Lenore Г©tait certaine qu'ils seraient bientГґt lГ , elle voyait dГ©jГ  les Chevaliers d'Argent Г  l'horizon, Rodry, Vars, approchant avec les hommes qui auraient dГ» veiller sur elle. Auraient-ils rГ©ussi Г  se dГ©barrasser de cette douzaine d'hommes, les tuer une fois Г  dГ©couvert ? La sauver ?

Ses espoirs s'Г©vanouissaient Г  chaque pas. Ils atteindraient bientГґt les ponts, les secours s'Г©loignaient au fur et Г  mesure de la progression des chevaux. Lenore apercevait au loin le pont le plus imposant, de bois sombre, enjamber la Slate.

Une demi-douzaine de gardes veillait Г  l'extrГ©mitГ© du pont, Lenore et les mercenaires progressaient, elle savait qu'ils ne seraient pas de taille Г  les arrГЄter. Leur nombre Г©tait suffisamment consГ©quent pour arrГЄter des contrebandiers ou faire Г©crouler le pont en cas d'invasion. Le fleuve en furie protГ©geait le royaume, non le gros des troupes. Ils n'Г©taient pas lГ  pour combattre des hommes arrivant de ce cГґtГ©-ci. La plupart n'Г©taient pas dans le bon sens lorsque les mercenaires foncГЁrent sur eux, ils surveillaient le fleuve, veillant Г  ce qu'aucune menace ne survienne par voie navigable.

Certains d'entre eux se retournГЁrent en entendant les sabots des chevaux, mais il Г©tait dГ©jГ  trop tard. Les premiers mercenaires s'abattirent sur eux avec Г©pГ©es et couteaux. Ils sautГЁrent sur les gardes, point de combat ici. La plupart n'eurent mГЄme pas le temps de tirer leurs sabres au clair. Ceux qui y parvinrent pГ©rirent en nombre sans mГЄme s'en servir. L'un d'eux porta un coup maladroit Г  un mercenaire, Г  dire vrai, les hommes qui gardaient les ponts ne comptaient pas parmi les fines lames du royaume, leur seule et unique tГўche consistait Г  rester longuement assis et surveiller les Г©changes de part et d'autre du pont. Ce garde mourut aussi rapidement que les autres, une giclГ©e sanglante s'Г©chappa de sa gorge, tranchГ©e par le mercenaire.

Les ravisseurs de Lenore s'arrГЄtГЁrent un instant pour essuyer leurs armes et poursuivre. Lenore en profita pour regarder la rive de l'autre cГґtГ© du pont, les arbres sur cette Г©tendue dГ©gagГ©e. Cette terre n'appartenait pas Г  son pГЁre, personne ne viendrait la chercher ici.

"Nous y sommes presque," murmura Ethir. "Le Roi Ravin se fera un plaisir de t'anГ©antir."

Lenore songea à ce qui lui était arrivé depuis la veille, à ce qui l'attendait. Le Roi Ravin n'était pas réputé pour sa gentillesse, s'il la retenait captive … Lenore se prit à espérer la mort, mieux valait encore mourir, que connaître ce qui s'ensuivrait.

Alors que les chevaux des mercenaires s'élançaient sur le pont, Lenore contempla en contrebas le fleuve mugissant. Personne n'osait se baigner dans ce fleuve impétueux, dont les courants déchiquetaient les bateaux tentant la traversée. Quiconque tombait dedans serait emporté en quelques secondes, noyé dans la minute.

Une minute horrible ne valait-elle pas mieux que ce qui l'attendait ?

Lenore ne pouvait pas croire en ГЄtre rГ©duite Г  cette extrГ©mitГ©. Elle songea Г  sa famille, son pГЁre, sa mГЁre, ses frГЁres et sЕ“urs. Ses larmes ruisselaient sur ses joues, les perdre lui brisait le cЕ“ur.

Erin devait se battre pour sa libertГ©, si Rodry avait Г©tГ© lГ , il aurait dГ©jГ  abattu la moitiГ© des mercenaires pour la sauver. Greave aurait dГ©nichГ© un plan astucieux dans un poГЁme, Nerra aurait trouvГ© une plante susceptible de l'aider ou d'empoisonner ses ravisseurs.

Des chimères, Lenore ne sentait que le bras de son ravisseur sur sa taille, avec pour seule certitude, la vie qui l'attendait si, lorsqu'elle atteindrait l'autre côté du pont. Elle ne pouvait pas, c'était impossible, même si pour cela …

"Pardon," murmura-t-elle en songeant Г  sa famille, avant de se jeter de cГґtГ©.

Lenore chuta de cheval, prit ses jambes à son cou et fonça à l'extrémité du pont. Elle grimpa sur le rebord, ses mains liées l'empêchaient de progresser de façon satisfaisante. Elle parvint néanmoins à monter sur la balustrade qui empêchait chevaux et charrettes de passer par-dessus bord.

Lenore, en Г©quilibre, regardait en contrebas, terrifiГ©e, seul et unique moyen d'en rГ©chapper. Elle prit une profonde inspiration et sauta.

L'espace d'un instant, Lenore resta suspendue dans le vide, elle chutait, attirée par l'eau comme si elle plongeait tête baissée. Elle retint instinctivement sa respiration, tout en sachant qu'elle n'avait aucun moyen de s'en sortir, de survivre …

Une poigne de fer se referma sur sa cheville, stoppant sa chute net.

"Certainement pas, ma jolie," c'Г©tait Eoris. Lenore lui donna un coup de pied pour se libГ©rer mais elle n'avait aucune possibilitГ© de s'Г©chapper, la mort ne voulait pas d'elle. On s'empara d'elle, Syrelle rajouta son grain de sel.

"Tu croyais nous quitter si facilement ? Remontez-la."

Lenore se dГ©battit, en pure perte. Ils la remontГЁrent, lui firent passer la rambarde et la dГ©posГЁrent sur le pont comme un vulgaire sac. Ils relevГЁrent Lenore, Syrelle la dГ©visagea avant de la gifler violemment.

"On te ramГЁnera Г  chaque fois que tu essaieras de te libГ©rer. Tu n'as pas le droit de mourir, on te fera mal Г  chaque fois que tu essaieras. Compris ?"

Lenore hocha la tГЄte Г  travers ses larmes.

Ils la jetГЁrent en travers de la selle d'un cheval au lieu de la laisser s'asseoir. Lenore ne pouvait plus descendre, n'avait plus la possibilitГ© de se jeter Г  l'eau.




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